Le Lac aux oies sauvages, sauvagement beau – Cinema Galeries

Le Lac aux oies sauvages, sauvagement beau

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    « Résurrection du film noir hollywoodien dans une Chine à la fois ultra-contemporaine et totalement fantasmée. »
    Frédéric Foubert pour premiere.fr

    Après le retentissement de Black Coal, Ours d’or à Berlin en 2014, l’internationale cinéphile attendait avec impatience des nouvelles de Diao Yinan, nouvel espoir, non seulement de l’art et essai chinois, mais aussi du polar contemporain. Le Lac aux oies sauvages ne déçoit pas, en prolongeant, très clairement, le geste du précédent film. C’est, de nouveau, une œuvre portée par le désir de plonger des codes, des archétypes et des postures hérités du cinéma américain des années 1940 dans la Chine des années 2010. Mais pas une Chine aussi précisément cartographiée que celle de Jia Zhangke, chef de file du cinéma d’auteur chinois contemporain. Plutôt un territoire fantasmatique, mouvant, insaisissable, comme irréel, fléché par les ténèbres, les lumières artificielles et les coups de feu dans la nuit. Le « lac aux oies sauvages » du titre, d’ailleurs, n’existe pas vraiment : c’est le résultat de l’agrégat de plusieurs décors des alentours de Wuhan, dans le centre de la Chine – une pure vue de l’esprit où s’agite tout un demi-monde de brigands, de flics, de putes au grand cœur et de voyous en cavale. Le film raconte la rencontre d’un type fuyant la police et d’une femme prête à tout pour l’aider – et qui, au passage, aimerait bien réinventer son destin. Un argument prétexte pour tracer une ligne esthétique et thématique qui irait, en gros, de Nicholas Ray à Wong Kar-Wai et Tsai Ming-Liang, en passant, pourquoi pas, par le Leos Carax de Mauvais Sang.

    VISIONS
    D’un film, d’un continent et d’une époque à l’autre, ce sont les mêmes mauvaises filles et mauvais garçons sous les néons, le même romantisme, la même urgence et la même fièvre. Diao Yinan s’empare des clichés du genre (la narration en flash-back, le fatum qui menace…) et invente une sorte de chasse à l’homme immobile, une cavale engourdie, ponctuée par des flashs de violence hallucinatoires et un entrelacs de visions quasi oniriques – une descente de police nocturne dans un zoo, une fellation dans une barque au clair de lune, une chorégraphie sur Rasputin de Boney M par une troupe de danseurs aux chaussures fluo… Magnifiées par le chef opérateur Dong Jingsong, ces images composent une odyssée expressionniste à la beauté souvent suffocante.