« Les gardiennes » : Un film tout de raffinement et de sobriété pour rendre hommage aux femmes de la 1ère Guerre Mondiale – Cinema Galeries

« Les gardiennes » : Un film tout de raffinement et de sobriété pour rendre hommage aux femmes de la 1ère Guerre Mondiale

    Note des lecteurs0 Votes
    0
    7.5

    Claudine Levanneur, aVoir-aLire, 03.12.17

    Les gardiennes : Sur fond de ruralité, Xavier Beauvois signe un film tout de raffinement et de sobriété pour rendre hommage au courage des femmes prises dans la tourmente de la Première Guerre mondiale

    « 1915. A la ferme du Paridier, les femmes ont pris la relève des hommes partis au front. Travaillant sans relâche, leur vie est rythmée entre le dur labeur et le retour des hommes en permission. Hortense, la doyenne, engage une jeune fille de l’assistance publique pour les seconder. Francine croitavoir enfin trouvé une famille.

    C’est sous l’impulsion de Sylvie Pialat que Xavier Beauvois se lance dans lalecture du roman éponyme d’Ernest Perochon, un instituteur (comme on appelait à cette époque nos enseignants d’aujourd’hui) discret des années 20 devenu écrivain. Elle pressent que les origines terriennes du réalisateur (né dans une petite ville du Pas-de-Calais) lui accorderont la sensibilité nécessaire pour faire de ce récit aux combats intérieurs soigneusement tus une œuvre cinématographique lumineuse. Elle avait vu juste.

    En collaboration avec les scénaristes Frédérique Moreau et Julie-Marie Maille, il débarrasse l’histoire initiale d’un trop grand nombre de malheurs pour ne se consacrer qu’à l’un de ses thèmes préférés, déjà développé en 2010 à travers l’inoubliable Des hommes et des dieux, celui de la communauté attachée à sauvegarder coûte que coûte la survie d’un idéal. Dans cette ferme de la Haute-Vienne, pivot central du film autour duquel s’enroule toute l’ intrigue, vit la famille Paridier, désormais amputée de ses éléments masculins, les fils, Constant et Georges et le gendre Clovis, envoyés sur le front. Ne restent que Hortense et Solange (Nathalie Baye et Laura Smet, mère et fille à la ville comme dans la fiction) pour assurer les travaux des champs et les soins aux animaux. Face à un telle charge de travail, Hortense se voit dans l’obligation de recruter une jeune fille. Aimable, courageuse et efficace, Francine devient un membre à part entière de la famille jusqu’au jour où Georges, au cours d’une permission, tombe sous son charme et contrarie ainsi les projets matrimoniaux que sa mère a conçus pour lui. Un peu plus tard, l’arrivée des Américains au village, porteurs d’un avenir de liberté et de désinvolture, pousse Hortense à se recroqueviller sous une carapace de dureté et d’injustice.


    Si la guerre apparaît en toile de fond, elle n’est jamais montrée. De la même manière, les hommes n’occupent qu’une place secondaire. Ils ne sont mentionnés que le temps d’une courte permission ou plus tragiquement en cas de décès. A travers ces trois portraits de femmes, c’est sans conteste uniquement au combat bien peu souvent évoqué de celles qui furent abandonnées à leur sort que Xavier Beauvois entend s’intéresser. Privilégiant un déroulement linéaire, (trop lent sans aucun doute pour certains), il prend le temps, au rythme des saisons et de l’évolution des récoltes, d’installer avec justesse sa narration et de nous présenter ces personnages et leur mode de vie. C’est alors l’occasion de nous repaître de la lumière de Caroline Champetier, fidèle complice du réalisateur, qui habillant le décor de tonalités à la chaleur digne de toiles de maître, contribue à installer une authentique émotion. La précision de la direction d’acteurs nous permet de nous attacher à une Nathalie Baye (Hortense), à peine reconnaissable et impressionnante sous les traits de cette femme d’un autre temps, à la fois forte et déboussolée face à la génération suivante qui entend bien tirer profit de cette situation imposée pour gagner quelque liberté tant sociale que sexuelle. Outre la finesse de jeu de Laura Smet, on reste subjugué par le naturel de la novice Iris Bry. Bien qu’il s’agisse de son premier passage devant la caméra, elle finit par s’octroyer le premier rôle et par devenir imperceptiblement l’âme du film.

    Sans jamais forcer le trait, grâce à sa rigueur habituelle et à une mise en scène épurée à l’élégance classique, Xavier Beauvois réussit l’exploit d’installer dans un cocon de délicatesse l’une des époques les plus terribles de notre histoire. »

     

    Actuellement en salle au Cinéma Galeries