Tully : critique tout sur ta mère – Cinema Galeries

Tully : critique tout sur ta mère

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    Ecran Large | Geoffrey Crété,

    Propulsés par Juno en 2008 (Oscar du meilleur scénario), le réalisateur Jason Reitman et la scénariste Diablo Cody s’étaient retrouvés pour Young Adult avec Charlize Theron, une fausse comédie plus complexe et amère, et donc moins plébiscitée. Le duo retrouve l’actrice de Mad Max : Fury Road pour un nouveau film, Tully, avec également Mackenzie Davis.

    Old Adults

    Il y a comme un malentendu depuis Juno, sympathique et inoffensive histoire d’une adolescente enceinte qui a notamment révélé Diablo Cody, ex-strip-teaseuse devenue romancière et scénariste. Un Oscar du meilleur scénario, un carton en salles (plus de 231 millions de dollars dans le monde pour un budget de même pas 8) et un petit phénomène un brin exagéré ont pesé sur la suite de sa carrière : sa série United States of Tara avec Toni Collette, son film d’horreur (raté) Jennifer’s Body etYoung Adult, quitte à en diminuer la noirceur et l’originalité. C’est particulièrement évident sur Young Adult, fausse comédie et vraie tragédie moderne, où Charlize Theron était formidable, servie par l’écriture fine, drôle et acerbe de Diablo Cody. Les retrouvailles du trio Reitman-Cody-Theron étaient donc attendues, avec en filigrane une belle cohérence puisqu’après l’adolescence de Juno et l’adulescence de Young Adult, c’est la maternité qui est au cœur de Tully. Charlize Theron y incarne une mère lessivée, enceinte de son troisième enfant qui viendra l’ensevelir un peu plus sous le poids du quotidien. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Tully (Mackenzie Davis), une nounou qui va bouleverser sa vie. Et sous ses airs de pitch digne d’un mauvais téléfilm de Noël, il y a sans surprise une mélancolie, une profondeur et un sens aiguisé de l’humain.

    Une nounou d’enfer

    Tully affiche encore les tics du cinéma de Jason Reitman et Diablo Cody, inscrits dans les codes un peu rigides du cinéma dit indépendant. D’où une foule de scènes attendues et incontournables, traitées mille fois dans le périmètre des dramédies de Sundance, du dîner familial dans une maison absurde à la virée alcoolisée-liberté en ville. Le problème majeur du film réside par ailleurs dans la foi un peu trop naïve du réalisateur de In the Air et Diablo Cody dans la grosse ficelle du scénario, qui pourra sans problème être crâmée dès le premier tiers. Mais se focaliser sur cet aspect certes faiblard mais finalement secondaire, serait passer à côté de l’essentiel. A savoir le portrait plus tendre et moins amer de l’âge adulte, celui où faire la paix avec ses choix, ses échecs et ses moments perdus, devient inévitable pour avancer. Le scénario a beau s’articuler autour d’une dépression post-partum, la portée va bien au-delà des couches sales : le mal-être et les interrogations qui hantent cette mère sont ceux qui gardent de bien nombreux êtres humains éveillés la nuit, à mesure que les années défilent et avec elles, les espoirs et désirs.

    Game of Theron

    En ça, Tully a un impact discret mais certain, à cheval entre la tendresse et l’humour. Il ne se cache pas derrière des gags affichés fièrement comme preuve du caractère politiquement incorrect de la chose. Diablo Cody (qui a entre temps tenté de passer à la réalisation avec Paradise, qu’elle considère comme un échec) a grandi avec ses films et ses alter-ego. L’adolescente pseudo-rebelle d’hier n’est plus une jeune femme qui se cache derrière des fringues branchées et une attitude finement travaillée : comme le personnage de Young Adult qui finit par se mettre littéralement à nu, Tully s’est en partie délesté de ces artifices pour assumer son vrai visage. Incarnation parfaite de ce cinéma, Charlize Theron se révèle encore une fois fantastique. Elle n’a pas le panache de son rôle flamboyant de Young Adult qui était un boulevard pour elle, mais elle se jette totalement dans ce rôle qui prouve encore une fois à quel point son talent est grand et varié. Au-delà de la transformation physique, l’actrice oscarisée, qui apparaît sans fard, donne toutes les nuances à cette femme au bord de la crise de nerfs. Un peu drôle, un peu minable, un peu banale, un peu grotesque, elle embrasse toutes les couleurs de ce rôle, sans le transformer en performance hollywoodienne de bas-étage.

    Dans un rôle qui, par nature, reste plus vague, Mackenzie Davis déballe une énergie et un charme qui ne surprendront plus ceux qui l’ont vue dans Halt and Catch Fire, Blade Runner 2049 ou l’épisode San Junipero de Black Mirror. Elle confirme encore une fois qu’elle sera l’un des talents importants de ces prochaines années. Son casting dans Terminator 6 en atteste. Jason Reitman, lui, confirme également que doté d’un bon scénario, il est un bon cinéaste. Si Last Days of Summer et Men, Women & Children ont quelque peu terni son aura de Thank You For Smoking puis In the Air, il rappelle ici qu’il a un talent pour filmer les personnages paumés, et composer des symphonies douces-amères avec justesse. Qu’il se repose de plus en plus sur des détails, comme le sens d’une brosse ou un plan final aussi simple que touchant, témoigne de son côté également d’une maturité en pleine croissance.

    Date de sortie : 22.08