« Zombillénium » : un enthousiasmant réquisitoire contre le conformisme – Cinema Galeries

« Zombillénium » : un enthousiasmant réquisitoire contre le conformisme

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    Simon Riaux, Ecran large, 17.10.17

    Zombillenium : critique ressuscitée

    Après un passage remarqué sur la Croisette, Zombillénium, vient hanter les salles obscures. Adaptation de la bande-dessinée éponyme d’Arthur de Pins, qu’il coréalise avec Alexis Ducord, le film d’animation nous plonge dans les arcanes d’un parc d’attractions pas comme les autres, où les monstres en tout genre qui animent les attractions ne sont pas des saisonniers recouverts de caoutchouc, mais d’authentiques créatures échappées des enfers.

    PARC DE REPULSIONS

    Le premier plaisir évident ressenti devant Zombillénium vient du bonheur de son auteur à embrasser vigoureusement tout un pan de la culture populaire. Vampires, sorcières, démons, morts-vivants, goules, personne ou presque ne manque à l’appel dans cet univers bigarré, qui ne se cache jamais derrière son petit doigt. Le film convoque ainsi des mythologies universelles, sans oublier de se forger une identité propre, fantaisistes profondément rock’n roll. En choisissant de ne pas retranscrire directement un des tomes de la bande-dessinée, puisqu’il propose ici un récit en partie inédit où interviennent de nouveaux personnages (et d’autres réécrits pour l’occasion), De Pins évite de ne s’adresser qu’à une poignée de fans hardcore et a toute latitude pour développer les thèmes chers à sa série.

    Zombillénium, s’il fonctionne à plein régime en tant que fable hantée, ne s’arrête pas à un simple catalogue de musée des horreurs pop. Le métrage se penche avec une certaine hargne sur la question de la lutte des classes, et interroge avec réussite sur les passerelles entre libéralisme, conformisme et obsession moutonnière. Ainsi, les monstruosités qui peuplent le parc paraissent bien inoffensives en comparaison des comptables et autres communicants désireux de le rentabiliser, quitte à hygiéniser impitoyablement une formidable galerie de créatures.

    MORTS-RIANTS

    Zombillénium regorge ainsi de clins d’oeils réjouissants, de personnages croqués avec un mélange d’humour et de malice qui fait instantanément sens. D’un jeune vampire aux dents longues tout droit sorti de Twilight, ou le goût pour les marges que traduisent les nombreuses références à Tim Burton sont autant de sources de réjouissances, plutôt rares dans le paysage cinématographique hexagonale. Des qualités d’autant plus évidentes que le scénario s’efforce de maintenir un rythme très soutenu tout le long, quitte à parfois passer un peu trop vite sur les éléments les plus riches ou politiques de l’œuvre dont il s’inspire.

    Des affres de la reconversion

    Toutefois, si on comprend bien pourquoi Zombillénium a opté pour une animation en 3D et une gamme de couleurs qui lui permettent de coller au rendu de bande-dessinée, ce choix n’est pas toujours totalement inspiré. Il induit notamment un léger manque de chaleur, de chair, une raideur dans les mouvements à mi-chemin entre le rendu traditionnel et celui du cinéma live qui nuit un peu à l’immersion. Enfin, les lecteurs des travaux papiers du réalisateur remarqueront que certains ajouts scénaristiques, pensés pour épaissir le background de certains personnages, ont hélas pour effet d’adoucir un peu trop le ton engagé et sardonique de la bande-dessinée.

    Moins cruel que le matériau qu’il adapte, ce Zombillénium est une déclaration d’amour malicieuse à tout un pan de la culture fantastique, doublé d’un enthousiasmant réquisitoire contre le conformisme.

    En salle dès le 20.12